Notes biographiques du président fondateur

Par Alexandre Hébert, LL.B., LL.M.
Secrétaire corporatif
pour l'Assemblée générale des membres


Depuis bientôt 20 ans monsieur Fortin témoigne de son honnêteté et de sa particulière consécration à la cause des personnes vulnérables de notre société, en particulier celles qui vivent avec une Trisomie-21. Depuis maintenant près de 40 ans, monsieur Fortin consacre l’essentiel de ses forces et de ses talents à défendre les personnes les plus vulnérables de notre société, notamment sous l'angle de la promotion et de la défense de leurs droits. Nous pourrions dire que c’est un travailleur de l’ombre, car le grand public ne soupçonne pas l’ampleur de son action et sa persévérance envers ceux et celles qui ont besoin d’aide et de soutien dans leur vie quotidienne.
 
Cet humaniste fait partie de ces personnes chez qui l’humilité, l’abnégation et le don de soi sont des valeurs qui fondent leur vie. En 1978, âgé à peine de 16 ans, Sylvain Fortin commence déjà à se dévouer à améliorer la qualité de vie et à défendre les droits des personnes âgées hospitalisées à long terme. Il poursuivra ses efforts envers celles-ci jusqu’en 1984, pour ensuite se tourner vers les personnes et les familles confrontées à une maladie en phase terminale. Jusqu’en 2000, soit pendant près de 15 ans, il fera preuve d’un leadership remarquable et d’un sens aigu des besoins criants dans le domaine des soins palliatifs en fondant à Laval La Maison de l’Île

La vie de monsieur Fortin connaît un tournant décisif en 1997, alors que naît son fils Mathieu, un enfant appelé à vivre avec la Trisomie-21. Face au destin, Sylvain Fortin ne baisse pas les bras. Il se met immédiatement au travail en fondant la Société québécoise de la Trisomie-21 (SQT-21), un organisme national, afin de venir en aide aux personnes vivant avec la Trisomie-21 et à leurs familles en se portant à la défense de leurs droits au sein de la société québécoise. Depuis plus de 18 ans, à titre de président et directeur général, il y déploie le meilleur de ses énergies, sans cesse soucieux de contribuer de manière unique et exceptionnelle à leur mieux-être.
 
Son œuvre, qui consiste à mettre en lumière ces personnes, mérite amplement d’être reconnue au sein de la société québécoise. Dans les lignes qui vont suivre, nous vous présenterons plus en détail les valeurs, actions et réalisations d’un Québécois qui s’est successivement mis au service des personnes âgées hospitalisées à long terme, des malades en phase terminale et des personnes vivant avec une Trisomie-21, dans l’objectif de défendre leurs droits, de faire reconnaître leur dignité et d’améliorer leur qualité de vie.
 
Laissez-nous vous présenter le parcours de près de 40 années de monsieur Fortin en trois étapes chronologiques :
 

  1. De 1978 à 1984 : la naissance d’un profond engagement social auprès des personnes âgées hospitalisées à long terme;
  2. De 1986 à 2000 : une œuvre de pionnier dans le domaine des soins palliatifs au Québec;      
  3. De 2000 à aujourd’hui : la défense et la mise en lumière des personnes qui vivent avec une Trisomie-21.
 

1.  De 1978 à 1984 : la naissance d’un profond engagement social auprès des personnes âgées hospitalisées à long terme

En 1978, alors que Sylvain Fortin n’est âgé que de 16 ans, il rejoint le comité formé de bénévoles de la Cité de la Santé de Laval, le nouvel hôpital de Laval qui vient tout juste d’ouvrir. Bien qu’encore tout jeune et aux études, il en assume la vice-présidence, puis la présidence jusqu’en 1984. Ce comité avait entre autres pour mandat de planifier et de réaliser une campagne de sensibilisation aux besoins socioaffectifs des personnes âgées hospitalisées à long terme, une campagne qui s’est déroulée en mai 1983. Par l’entremise des écoles, paroisses et organismes communautaires, cette campagne de sensibilisation, coordonnée par monsieur Fortin, a rejoint les Lavallois de tous âges et de toutes conditions. Son impact a été fort positif puisque le nombre de bénévoles et la qualité de leurs services ont connu un net accroissement. En raison de son succès, et à la demande des conseillers pédagogiques des trois grandes commissions scolaires de Laval, cette campagne a été renouvelée au cours des années subséquentes.
 
Parallèlement à cette campagne, Sylvain Fortin met aussi sur pied le service bénévole d’accueil des patients. Il y implante une culture d’accueil basée sur l’accompagnement, le désir d’apaiser les appréhensions des patients et la volonté de leur fournir le plus d’informations possibles sur leur séjour au sein de la Cité de la Santé. Son travail efficace, son désir de faire toujours plus et son esprit d’initiative ont été constamment mis au service du fonctionnement optimal des ressources bénévoles de la Cité de la Santé.
 

En 1980, une personne âgée hospitalisée à long terme à la Cité de la santé de Laval reçoit les attentions de Sylvain Fortin.
 

2. De 1986 à 2000 : la fondation de la Maison de l’Île à Laval, une œuvre de pionnier dans le domaine des soins palliatifs au Québec
 
À l’initiative de Sylvain Fortin, un comité de travail composé de professionnels de la santé et d’autres disciplines est formé à Laval en 1986 afin d’évaluer la pertinence et l’opportunité de créer une ressource à but non lucratif capable de soutenir les personnes confrontées à une maladie en phase terminale et d’offrir à leur famille et à leurs proches des services répondant à leurs besoins respectifs.
 
Si aujourd’hui, en 2018, la problématique des soins de santé en fin de vie fait la une des journaux, la situation était toute autre il y a 30 ans. Riche de son expérience au sein des bénévoles de la Cité de la Santé, Sylvain Fortin a compris très tôt qu’en raison des progrès de la médecine, les questions entourant la fin de vie allaient prendre une importance grandissante dans notre société. Il s’est donc engagé très activement dans cette voie, fidèle à sa nature entreprenante et à son désir d’être utile à ceux et celles qui traversent des difficultés particulières reliées à des maladies en phase terminale.  
 
Ainsi naît officiellement, le 17 mai 1992, La Maison de l’Île – un centre de soins palliatifs poursuivant trois grands objectifs : a) porter assistance à domicile aux personnes confrontées à une maladie en phase terminale et à leurs proches, en complémentarité avec les ressources existantes; b) mettre en place un service d’accompagnement au deuil destiné aux personnes touchées par la mort d’un proche bénéficiant du soutien de La Maison de l’Île; enfin c) mettre sur pied et diffuser des programmes de formation, d’enseignement, de recherche et de réflexion afin d’assurer un accompagnement humain et personnalisé à la personne en fin de vie et à ses proches.
 
Afin d’approfondir sa réflexion et son action, Sylvain Fortin s’est d’ailleurs inscrit à l’époque à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) au programme de deuxième cycle en études sur la mort. Il y obtient son diplôme (D.E.S.S.) en 1996. Au cours de ses études, en collaboration avec le Centre d’études sur la mort de l’UQAM, il effectue un important travail de recherche sur les diverses implications de la mise en place d’une maison destinée à assurer des soins palliatifs complémentaires à la population de Laval. Habité par ses objectifs d’améliorer l’hébergement des personnes en fin de vie, de fournir un accompagnement à leurs proches tout au long du processus de fin de vie et du deuil, et de soutenir l’assistance à domicile à ceux et celles qui choisissent de vivre ces dernières étapes à domicile, Sylvain Fortin s’engage de façon intense et professionnelle à acquérir une fine compréhension de la problématique des soins palliatifs en vue de rendre les meilleurs services à la communauté. Cette démarche rejoint d’ailleurs sa profonde conviction que la meilleure façon de soutenir les personnes vulnérables de la société passe nécessairement par une formation adéquate des personnes appelées à œuvrer auprès d’elles pour améliorer leur qualité de vie.    
 
Sylvain Fortin a été directeur général de la Maison de l’Île de 1992 à 1996. Il est remarquable de constater que, dès la fin des années 1980, Sylvain Fortin ait été aussi attentif aux questions entourant les personnes et leurs proches touchés par le processus de fin de vie. Bien avant que ces questions ne fassent l’objet des débats de société actuels et ne viennent bouleverser les milieux médicaux tant au Québec qu’au Canada, Sylvain Fortin se posait déjà les questions essentielles : comment répondre aux besoins de ces patients et de leur famille, comment les aider à affronter du mieux possible les difficultés inhérentes à ces situations marquées par la souffrance et le deuil?
 
   
 
3. De 2000 à aujourd’hui : la défense et la mise en lumière des personnes qui vivent avec une Trisomie-21
 
Avant d’aborder le troisième volet du travail de Sylvain Fortin, soit sa défense des personnes vivant avec une Trisomie-21, permettez-nous de vous faire part d’événements très révélateurs de la façon dont Sylvain Fortin traduit concrètement ses valeurs au quotidien.
 
En 2010, le Québec a pris connaissance d’un drame inconcevable dans une société comme la nôtre. Dans le petit village de St-Jude, Richard Roy, un homme de 46 ans vivant avec la Trisomie-21 est mort de faim et de soif à la suite du décès de son frère qui, pauvre et illettré, s’en occupait depuis la mort de leur mère. Aucune disposition n’avait été prise au cas où surviendrait un tel événement. Devant le désarroi de la petite communauté qui ne savait que faire, Sylvain Fortin s’est immédiatement rendu sur les lieux, prenant en charge le service religieux et les frais funéraires que personne n’était à même d’assumer, afin de donner aux deux frères une sépulture digne de ce nom.
 
Dans des circonstances similaires, six ans plus tôt, en 2004, Tracy Liston, une femme vivant aussi avec la Trisomie-21 était morte de faim et de soif dans son logement à Montréal après le suicide de son frère aîné qui s’occupait d’elle. C'est aussi monsieur Fortin qui s'était occupé de leurs funérailles. C’est pour que de telles tragédies ne puissent plus jamais se reproduire que Sylvain Fortin travaille à faire reconnaître les droits de ces personnes qui sont parmi les plus démunies et les moins considérées au sein de notre société.
 

La fondation de la Société québécoise de la Trisomie-21 en 2000
 
La vie de Sylvain Fortin connaît un tournant majeur et décisif le 16 mai 1997 lors de la naissance de son fils Mathieu, porteur de la Trisomie-21. Il n’hésite pas à rappeler que cette naissance a été pour lui un appel puissant. La vie lui demandait non seulement d’aimer et de s’occuper de son fils, mais aussi de se consacrer à la cause des personnes vivant avec la Trisomie-21. Fort de son énergie, de ses qualités d’empathie et de son sens de l’organisation, Sylvain Fortin se met immédiatement à l’œuvre. Il fonde la Société québécoise de la Trisomie-21 (SQT-21), un organisme national destiné à combler un vide en fournissant enfin aux personnes vivant avec la Trisomie-21 une voix pour faire reconnaître leur dignité, pour défendre leurs droits et améliorer leurs conditions de vie.
 
Quand Sylvain Fortin invite les familles à se joindre à lui et à la Société qu’il a fondée en 2000 (l'émission des lettres patentes s’est faite en 2001) pour défendre et promouvoir les droits des personnes vivant avec une Trisomie-21, des centaines de parents et de familles répondent immédiatement à son appel. Ce sont plus de 800 familles à avoir fait partie de la SQT‑21 et à défendre les droits des quelque 10 500 personnes qui vivent avec une Trisomie-21 au Québec.
 
Faut-il rappeler qu’en 2001, au moment de la fondation de la Société, le Québec ne disposait même pas de statistiques sur le nombre de personnes qui vivaient avec une Trisomie-21 sur son territoire? Que c’est à la suite de la demande expresse de Sylvain Fortin, déposée auprès de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), qu’une première recherche a eu lieu et que ses résultats ont été publiés?
 
La Société québécoise de la Trisomie-21 a cessé ses activités en 2018 pour faire place à la Maison Anne et Charles de Gaulle le Centre national de la Trisomie‑21, un CHSLD privé conventionné et sans but lucratif qui répond davantage aux enjeux actuels entourant le processus de double vieillissement simultané des personnes qui vivent avec une Trisomie-21 et leurs parents.
 

La reconnaissance des droits et de la dignité des personnes vivant avec la Trisomie-21
 
Animé de la même ardeur et du même souci d’être utile auprès de cette communauté, Sylvain Fortin a soumis aux Nations Unies en 2005, lors du projet de Convention relative aux droits des personnes handicapées, un Mémoire sur les droits et la dignité des personnes vivant avec une Trisomie-21. Il trouvait important qu’on ne mette pas tout le monde dans le même panier (celui des handicapés), sans prendre le temps de relever les spécificités des personnes atteintes de Trisomie-21. En effet, comment reconnaître pleinement leurs droits si on ne sait pas reconnaître leurs besoins et ce qui fait leurs particularités?
 
Sylvain Fortin avait fait une première représentation en ce sens en septembre 2004 auprès de l’Assemblée nationale du Québec en se rendant à la Salle du Conseil législatif de l’Hôtel du Parlement à Québec pour participer à la consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi 56 qui venait modifier la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et d’autres dispositions législatives.
 
Afin de renforcer ses propres compétences dans le domaine de la santé et ainsi mieux défendre les droits des personnes vivant avec une Trisomie-21 et leur famille, Sylvain Fortin se remet aux études pour acquérir les connaissances juridiques qui lui manquent. Inscrit au programme de maîtrise en droit de la santé offert à l'Université de Sherbrooke, maîtrise qu'il a complétée en 2008, il consacre son mémoire de recherche à la Trisomie-21. Rédigé sous la direction de Me Robert P. Kouri, l’un des plus éminents professeurs de droit de l’Université de Sherbrooke, et intitulé La Trisomie-21, ou le préjudice de naître, c'est d’ailleurs le premier mémoire de droit au Québec et au Canada à porter sur le sujet de la Trisomie-21. Depuis, le fruit de ces recherches lui sert régulièrement lorsqu’il lui faut répondre aux attentes et aux questions des membres de la SQT-21 aux prises avec des problèmes qui les dépassent.
 

La sensibilisation du grand public aux droits économiques et sociaux des personnes vivant avec la Trisomie-21
 
Depuis la création de la Société québécoise de la Trisomie-21, en 2000, quatre campagnes de sensibilisation aux droits économiques et sociaux ont été mises sur pied par monsieur Fortin. Elles sont bien présentées et expliquées sur le site www.degaulle-trisomie21.org :
 
  • La première, Le Tour du Québec à vélo, s’est échelonnée du 1er juin au 3 août 2002. Cette tournée de près de 5000 kilomètres a rejoint l’ensemble des régions du Québec pour sensibiliser les Québécois à la réalité que vivent les personnes vivant avec une Trisomie-21 et favoriser l’émergence d’une solidarité sociale autour d’elles. Sous le thème Une chance que j’t’ai, une chance qu’on s’a – un rappel de la célèbre chanson de Jean-Pierre Ferland que l’auteur a bien voulu mettre à la disposition de la SQT‑21 – cette campagne exprimait la conviction de Sylvain Fortin qu’une vie avec un enfant vivant avec une Trisomie-21 est, au plan humain, source d’enrichissement et d’épanouissement réciproques. Son objectif était de faire réaliser à l’ensemble de la population québécoise ce que les personnes qui vivent avec une Trisomie-21 portent en elles : un immense et inconditionnel amour qui ne demande qu’à être partagé. C’était aussi une façon de dire aux parents que, bien que leur enfant soit « différent », ils ne sont désormais plus seuls.
 
  • La seconde campagne, en 2003, s’est concrétisée par la réalisation de la chanson Inconditionnel. Proposée en quatre versions (populaire, symphonique, acoustique et instrumentale), elle a été distribuée à travers le Québec afin de faire savoir que les personnes vivant avec une Trisomie-21 ennoblissent par leur présence notre société tout entière en lui montrant que l’amour inconditionnel est possible et qu’il n’en tient qu’à nous d’en faire l’expérience. La chanson Inconditionnel leur a été affectueusement dédiée.
 
  • La troisième campagne de sensibilisation, en 2004, s’est traduite par la création et la publication d’un conte pour enfants, Le semeur de câlins. Cet ouvrage (pédagogique) s’adressait aux élèves du primaire et leur racontait l’histoire d’un petit garçon de 5 ans vivant avec une Trisomie-21. Plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires de ce conte ont été distribués gratuitement au sein des écoles élémentaires ainsi que dans le réseau des bibliothèques municipales du Québec, notamment dans les écoles primaires où étudiaient des personnes vivant avec une Trisomie-21.
 
  • La quatrième campagne de sensibilisation, qui s'est déroulée en 2016, comprenait une exposition itinérante nationale de photographies et de poésies portant sur les personnes qui vivent avec une Trisomie-21. Sous le titre Visages de lumière, elle visait à modifier le regard que nous portons sur ces personnes afin de mieux voir et reconnaître les qualités inhérentes à leur condition, dont leur propension à répandre l’amour et l’affection autour d’elles.
 
Que ce soit pour entreprendre des tournées de sensibilisation à travers les régions, pour offrir un soutien juridique ou un service de counseling à des familles qui n’en ont pas les moyens; pour mettre sur pied une maison d’accueil afin de soulager les parents qui ont besoin de souffler quelque temps ou encore pour offrir des services d’hébergement à des personnes qui se retrouvent seules après la mort de parents qui s’en occupaient, Sylvain Fortin n’est jamais à court d’imagination lorsqu’il s’agit de défendre les droits des personnes vivant avec une Trisomie-21 et de soulager leur famille.
 
Les campagnes de sensibilisation ont plus d’importance qu’on ne croit, surtout dans les régions périphériques ou éloignées. Sylvain Fortin a en effet constaté que la présence et le rayonnement de la SQT-21 à travers ces campagnes avaient un effet positif sur les services offerts aux personnes vivant avec une Trisomie-21. En reconnaissant le travail accompli à grande échelle par les intervenants et bénévoles qui œuvrent dans le milieu, la SQT-21 leur donnait souvent un nouveau souffle, les incitant à se montrer encore plus généreux dans les soins qu’ils prodiguent.
 

Briser l’isolement des personnes vivant avec la Trisomie-21 et de leur famille, notamment par de meilleurs services et la formation adéquate de leur entourage
 
Les résultats des campagnes de sensibilisation vont au-delà de la stricte information offerte au public. Certaines actions ont pour effet de sortir ces personnes de l’isolement en leur permettant de rencontrer d’autres gens qui vivent des situations semblables; d’autres, à créer des liens puissants entre les bénévoles de la SQT-21 et les proches des personnes vivant avec la Trisomie-21.
 
Il y a aussi toutes ces présentations publiques, toutes ces formations s’adressant aux bénévoles de la SQT-21 afin d’affermir leur engagement, d’accroître leurs compétences en leur enseignant comment innover, comment développer des approches plus humaines, plus adaptées à ce type de clientèle. En motivant les bénévoles dans ce sens, Sylvain Fortin n'a pas fait que hausser la qualité des services offerts, mais a permis aux bénévoles eux-mêmes d’éprouver davantage de satisfaction et de fierté dans leur travail. C'est un aspect extrêmement important pour maintenir leur motivation.
 
Chaque mois, des dizaines de femmes à qui l’on vient de faire connaître les résultats du test de dépistage prénatal de la Trisomie-21 s’informaient auprès de la Société pour savoir ce qu’elles doivent faire et, surtout, pour comprendre ce qu’implique l’arrivée d’un enfant atteint de Trisomie-21 pour elles et leur famille. Elles n’en ont aucune idée et ne peuvent compter sur les seules informations transmises par les médecins, car ceux-ci cherchent la plupart du temps à les décourager de donner suite à leur grossesse. Sylvain Fortin a un fils qui vit avec une Trisomie-21, Mathieu, aujourd’hui âgé de 21 ans. Sans présumer des effets de sa parole et de ses conseils sur ces femmes (presque toujours désemparées), il a tenté de leur expliquer le plus honnêtement possible, sans essayer de les tromper ni d’amoindrir les sacrifices qu’il faut être prêt à consentir si elles décident de donner suite à la grossesse, comment les choses vont se passer et sur quelles ressources elles peuvent compter. Mais il n’oublie jamais de mentionner que ces enfants peuvent être une source de « grande joie », contrairement à ce que l’on pense généralement. À ce sujet, l’exemple du général de Gaulle et de sa femme Yvonne, qui ont élevé et chéri leur fille Anne atteinte de Trisomie-21, a profondément marqué Sylvain Fortin qui aime à rappeler les mots d’André Malraux qui affirmait que, sans la présence de sa fille, le Général n’aurait pas été l’homme qu’il a été.
 
 
M. Sylvain Fortin, LL.M.

L’engagement personnel et social de Sylvain Fortin dans la défense des droits des personnes qui vivent avec une Trisomie-21
 
« C’est à l’échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal [une économie sociale et solidaire] : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains. »
(Françoise Héritier, ethnologue française et professeure au Collège de France)
 
Si les droits à la sûreté, à l'intégrité, à la liberté, à la dignité et à un traitement exempt de discrimination fondée sur le handicap sont suffisamment importants et reconnus pour avoir été enchâssés dans notre droit civil et nos chartes fédérale et provinciale, ils devraient recevoir une attention toute particulière lorsque l'on parle d’enfants vivant avec une déficience intellectuelle comme la Trisomie-21. Ces personnes, dont le développement est par définition limité, ne jouissent pas d'une compréhension étendue de leur environnement qui leur permettrait d'évaluer chaque action et chaque réaction avec justesse. Elles doivent être soutenues et encouragées, mais également défendues, afin que l’estime qu’elles ont d’elles-mêmes puisse résister aux assauts répétés du monde extérieur.
 
Depuis plus de 16 ans, à travers la Société québécoise de la Trisomie-21 ainsi qu'à tout moment, Sylvain Fortin travaille non seulement à informer les familles et à prodiguer généreusement ses conseils, mais à suivre de près l’évolution du droit des personnes vivant avec une Trisomie-21. Il a présenté en 2005 à l’ONU un Mémoire sur les droits et la dignité des personnes vivant avec une Trisomie-21 afin de faire reconnaître leur spécificité et ainsi mieux protéger leurs droits. De même, en 2004, il a plaidé cette cause lors de l’étude du projet de loi numéro 56 modifiant la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et d’autres dispositions législatives.
 
Malgré son caractère équivoque dans la doctrine juridique, Sylvain Fortin a toujours tenu à rappeler que le concept de dignité est absolument essentiel lorsqu’il s’agit de s’occuper des droits et des conditions de vie des personnes vivant avec une Trisomie-21. La reconnaissance de la dignité propre à tout être humain fait souvent toute la différence lorsqu’il s’agit de reconnaître les droits des individus et leur donner une portée réelle, tant matérielle que subjective. C’est souvent un formidable incitatif à ne pas se décourager et à continuer à espérer pour les personnes vivant avec une Trisomie-21. Supprimez la dignité et c’est souvent l’estime de soi qui vole en éclats.
 
En se préoccupant des droits, mais aussi des « conditions de vie » des personnes qui vivent avec une Trisomie-21 et leur famille, Sylvain Fortin sait qu’il se porte à la défense de tous ceux et celles qui, plus souvent qu’à leur tour, sont confrontés à l’injustice, la discrimination, le harcèlement, le mépris, voire l’exploitation. Tantôt oubliés par les gouvernements qui les trouvent bien coûteux; tantôt par le système d’éducation qui ne sait comment les intégrer ou s’en occuper, ou celui de la justice qui hésite à leur accorder le plein droit d’exister; tantôt par la médecine qui préférerait qu’ils n’existent pas, ou encore par les services sociaux qui sont débordés et ont d’autres chats à fouetter, ces êtres parmi les plus fragiles et les plus faibles de nos sociétés ont vraiment besoin qu’on les soutienne et leur vienne en aide. C’est en s’inspirant de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit à l’égalité et à la protection (article 15) ainsi qu’à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, notamment de son chapitre IV (Droits économiques et sociaux), que Sylvain Fortin intervient le plus souvent auprès des personnes vivant avec une Trisomie-21.
 
En les informant de leurs droits, en travaillant avec elles et leur famille pour qu’elles puissent se défendre devant la justice (un service d’aide juridique avait été mis sur pied en 2009 par Sylvain Fortin), la Société québécoise de la Trisomie-21 se situait dans le droit fil de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de même que de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (« tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement / tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi »).
 
C’est ainsi qu’au fil du temps Sylvain Fortin a répondu chaque année à plus d’une trentaine d’invitations de cégeps et d’universités pour venir exposer les droits des personnes vulnérables, particulièrement celles qui vivent avec une Trisomie-21. En plus d’apporter un éclairage juridique sur la question, Sylvain Fortin espère avoir suscité des vocations en droit des personnes vulnérables pour que soient bien défendus les droits de ceux et celles dont il s’occupe depuis plus de 17 ans.
 
Toujours dans cette optique de mieux faire connaître ce qu’il est possible de faire en matière de défense des personnes vulnérables, Sylvain Fortin a agi en 2015 en tant qu'expert dans le cadre d'une étude Delphi intitulée Aspects éthiques, légaux et sociaux de l'implantation clinique du test prénatal non invasif (TPNI) au Canada, une étude dirigée par Vardit Ravitsky, professeure agrégée aux programmes de bioéthiques au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ÉSPUM).
 
Bien sûr, la Société québécoise de la Trisomie-21 n’avait ni les moyens ni les pouvoirs dont dispose la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Elle ne pouvait, par exemple, mener des enquêtes complètes sur des cas de discrimination ou de harcèlement, ou encore sur les droits d’enfants qui auraient été lésés par des personnes, des établissements ou des organismes. Mais, à sa hauteur et avec les moyens dont elle disposait, elle agissait pour informer et éduquer la population sur la cause des personnes porteuses de la Trisomie-21 afin d’améliorer leur sort et de dénoncer les cas d’abus.
 
La SQT‑21 est intervenue auprès des instances politiques ou administratives chaque fois qu’elle constate des infractions aux lois qui les protègent (dans une école, sur la place publique, dans les transports, etc.). Elle encourage les échanges et les publications qui concernent les libertés et les droits fondamentaux (en témoigne le mémoire de maîtrise de monsieur Fortin). Elle a fait des représentations auprès des gouvernements ou d’instances internationales (Assemblée nationale, ONU) pour mieux faire reconnaître leur spécificité et mieux enchâsser leurs droits. Partout où cela était possible, elle a coopéré et cherché des alliés pour défendre cette cause. Si elle en avait eu les moyens financiers, elle en aurait encore fait bien davantage.
 
Le travail inlassable de monsieur Fortin a été souligné à maintes reprises. Le 10 décembre 2015, à l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’Homme, il a reçu un Prix Hommage pour les 40 ans de l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, à Montréal. Sylvain Fortin a été choisi par un jury présidé par l’Honorable Louise Arbour, ex-juge de la Cour suprême du Canada, pour faire partie des 40 personnes honorées à cette occasion par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à titre de défenseur des droits inclus dans la Charte.
 
Sylvain Fortin a également reçu le Prix du Gouverneur général du Canada pour l’entraide en 2014 en reconnaissance de son altruisme, de son humanité, de son dévouement et de sa générosité à l’égard des personnes qui vivent avec la Trisomie-21. Le Lieutenant-gouverneur du Québec, l’honorable J. Michel Doyon, lui a également décerné en 2016 la Médaille du Lieutenant‑gouverneur du Québec pour mérite exceptionnel en reconnaissance de ses accomplissements humanitaires suréminents au sein de la société québécoise. Le 21 mars 2016, à l’occasion de la Journée mondiale de la Trisomie-21, il s’est également vu décerner la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec. 
 
Vaincre la résistance sociale, une lutte de longue haleine de Sylvain Fortin
 
Bien sûr, Sylvain Fortin a dû faire face à de nombreux obstacles dans le cadre de ses interventions ou lors de ses campagnes de sensibilisation aux droits et libertés de la personne. Parmi ces obstacles, les principaux sont certainement les perceptions, représentations et préjugés dont l’origine se perd dans la nuit des temps.
 
Il faut en effet rappeler que la personne porteuse de Trisomie-21 n’a longtemps eu droit qu’à des noms qui la dévalorisaient, voire la privaient de toute dignité. Qui, au cours de sa vie, n’a entendu ces noms : débile, mongol, arriéré, attardé, presque toujours précédé de l’article qui tue : « Le » mongol, « Le » débile, ou affublé du qualificatif qui tonne comme un châtiment : « Maudit mongol »! Comme si la différence que cette personne incarne venait réveiller de vieux démons, susciter de vieilles craintes, questionner notre foi en l’humanité en offensant l’image que nous nous faisons de l’homme. Preuve vivante d’une faute commise ou d’une punition divine, la personne était le plus souvent considérée comme un objet de honte et de culpabilité pour les familles. Crainte, méprisée, cachée ou abandonnée, sa vie devenait une épreuve qui la menait le plus souvent à une mort précoce. Il est vrai que les personnes porteuses d'une Trisomie-21 vivent aujourd’hui plus longtemps et en meilleure santé que par la passé. Alors que leur espérance de vie n’était que de 9 ans en 1928, elle dépasse aujourd’hui les 65 ans!
 
Comment expliquer cette remontée spectaculaire? Outre les prodigieux progrès de la médecine, beaucoup d’autres facteurs y ont contribué, notamment le travail accompli pour changer nos perceptions de la Trisomie-21, et donc nos comportements à leur égard. Il y a encore toutes ces lois, toutes ces conventions que la communauté internationale a signées au cours des 30 dernières années afin de protéger leurs droits et leur assurer une vie meilleure : Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'Homme (1997), Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (1997), Convention sur les droits de l’Homme et de la biomédecine (1997), Convention relative aux droits des personnes handicapées (2007), etc. Tous ces efforts, tous ces principes énoncés puis enchâssés dans des conventions internationales sont‑ils parvenus à vaincre les préjugés? Ont-ils changé en profondeur les perceptions et les représentations?
 
Malheureusement, pour beaucoup l’enfant porteur d’une Trisomie-21 – et c’est là le premier grand obstacle – demeure encore aujourd’hui un « fléau », à tout le moins un fardeau pour la famille, bien plus qu’une « joie ». On ne peut imaginer qu’il puisse trouver sa place dans la société et être heureux, comme tout le monde. Pourtant, c’est ce qui arrive de plus en plus depuis que nous lui faisons une place dans le monde du travail.
 
En somme, de quelque façon que nous considérions la Trisomie-21, elle est toujours en dernier ressort tributaire d’un ensemble de perceptions et de représentations (souvent fondées sur des préjugés) qui entraînent à leur suite un certain nombre de réactions : peur, dégoût, répugnance, malaise, pitié, compassion, etc. Au mieux, ces perceptions sont le résultat d’une ignorance; au pire, d’une idéologie qui se refuse à accorder une place aux plus démunis et aux personnes handicapées, enfin à tout ce qui n’entre pas dans les « normes » dominantes aujourd’hui : celles de la performance, du rendement, de la productivité, de la jeunesse, voire de la beauté.
 
Cette résistance du grand public est profonde, archaïque pourrions-nous dire. Nous qui pensions avoir laissé derrière nous cette ère de barbarie où les bossus et les estropiés étaient ridiculisés et lapidés sur la place publique uniquement parce qu'ils présentaient des attributs physiques différents ou « anormaux »; nous qui acceptons aujourd’hui, au nom de la diversité et du respect d’autrui, toutes sortes de déviances, de différences ou de singularités (homosexualité, transsexualité, sadomasochisme, échangisme, mariages entre personnes de même sexe, etc.), nous avons pourtant encore beaucoup de difficulté à affronter le visage de celui ou celle qui est porteur de Trisomie-21. Nous n’avons qu’à observer les cours d’école pour comprendre que rien n’a vraiment changé et qu’il faut toujours se battre pour défendre ces enfants qui continuent de subir quotidiennement l’intimidation, le harcèlement, les exactions ou la violence.
 
C’est pourquoi un organisme comme la Société québécoise de la Trisomie-21 est si important lorsqu’il faut faire reconnaître leurs droits et se porter à leur défense. Il est en effet rare que le citoyen ordinaire (et encore moins la personne handicapée) consulte la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit à l’égalité et à la protection, ou encore la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, pour comprendre ce qu’implique concrètement leur application et les moyens qu’elles offrent au citoyen pour faire respecter ses droits. La plupart du temps, il se contente des réponses qu’on lui donne et n’exige pas son dû, de peur de tout perdre. Ayant le sentiment de se battre contre des forces trop grandes, d’affronter des préjugés trop profondément ancrés, il abandonne la partie. D’où la nécessité d’un organisme qui l’écoute, comprend son désarroi, le défend en lui fournissant des outils, des moyens qui vont lui permettre de faire valoir et respecter ses droits. D’où, surtout, la persévérance d’un homme qui n’a jamais arrêté de se battre pour faire reconnaître les droits des plus démunis et des plus fragiles parmi nos concitoyens.
 
Mais Sylvain Fortin va plus loin que la simple défense des droits des personnes qui vivent avec la Trisomie-21. Il entend aussi favoriser leur intégration dans toutes les sphères de la vie en société et contribuer à l’établissement de liens interpersonnels positifs et significatifs avec elles; et surtout, il veut faire reconnaître cette force extraordinaire qui nous manque tant dans nos sociétés : l’amour inconditionnel, cette capacité de vivre sans préjugés à l’égard d’autrui, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, dont sont capables ces personnes! Il souligne souvent que ces personnes seront toujours nos modèles en ce qui concerne cet art de vivre l’amour inconditionnel et de le faire rayonner autour d’elles.
 
 
La création d’un fonds d’aide juridique en faveur des personnes et des familles vivant avec la Trisomie-21
 
Sylvain Fortin a spécialement mis en place en 2009 un fonds d'aide juridique pour soutenir les familles et les conseiller dans leurs démarches auprès des administrations et de la justice.
 
Au moment où monsieur Fortin cherchait à obtenir un appui financier en vue de mener une campagne de sensibilisation auprès du grand public en faveur des personnes vivant avec une Trisomie-21, il a constamment insisté pour rappeler que le Canada a signé d’importantes conventions internationales, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Cette convention, adoptée le 13 décembre 2006 par l’ONU et signée le 30 mars 2007 par un ensemble d’États, a été ratifiée en bonne et due forme par le Canada le 11 mars 2010.
 
À son alinéa 8 (2), qui réfère aux mesures de sensibilisation aux droits des personnes handicapées, la Convention stipule que :
 
« Dans le cadre des moyens qu’ils retiennent à cette fin, les États Parties : lancent et mènent des campagnes efficaces de sensibilisation du public en vue de :
1.   favoriser une attitude réceptive à l’égard des droits des personnes handicapées;
2.   promouvoir une perception positive des personnes handicapées et une conscience sociale plus poussée à leur égard. »
 
Sylvain Fortin n’a cessé de promouvoir auprès des gouvernements de Québec et d'Ottawa la nécessité et le devoir de respecter les obligations liées à cette Convention, de préconiser la mise en œuvre d’initiatives de soutien qui permettent à toutes les personnes handicapées, et non seulement celles qui vivent avec la Trisomie-21, de vivre et de s’épanouir au sein de la société québécoise.
 
Comme une bonne partie de la mission de la Société consistait précisément à « informer et sensibiliser le public à la réalité des personnes vivant avec une Trisomie-21 », elle s'est bien souvent trouvée ralentie dans son action faute de moyens adéquats. Ajoutons par ailleurs – et c’est là encore un nouvel obstacle – qu’il est devenu beaucoup plus difficile aujourd’hui de solliciter des dons auprès du grand public aussi bien qu’auprès des institutions et organismes qui donnent généralement à des causes comme celle de la Trisomie-21.
 
Depuis la chute boursière de 2008, même les abonnés à de tels dons se font plus rares et moins généreux qu’auparavant. Il est arrivé à diverses occasions à Sylvain Fortin de constater qu’il n’était pas toujours possible de compter sur les institutions mêmes qui ont pour mission de faire respecter les droits des handicapés et de les défendre... Pour ne prendre qu’un exemple, est‑il normal que l’OPHQ n’ait pas contesté les conclusions du Comité interministériel de Santé et Sécurité publique qui, en 2009, lors d’un cas d’usage de pistolet Taser à l’endroit d’un homme porteur d'une Trisomie-21, a laissé au « bon jugement » des policiers le soin d’utiliser ou non une telle arme? Fallait-il permettre à un sergent du service de police de la Ville de Québec d’y avoir recours simplement parce qu’un homme de 45 ans vivant avec une Trisomie-21 se montrait agité ou violent dans le centre d’hébergement où il séjourne? Fallait-il le « calmer » à coup de pistolet Taser parce qu'on manquait de personnel compétent dans ce centre?
 
À la lumière des Chartes canadienne et québécoise, il nous paraît évident que les « droits à la dignité humaine, à la sécurité, à la protection, à l'intégrité et à la protection » de la personne ont été bafoués dans cette affaire, et que le principe selon lequel la personne est « inviolable » (Code civil du Québec) n’a pas été respecté, donnant lieu à ce qu’il faut bien appeler un cas de négligence criminelle.
 
Sylvain Fortin connaît suffisamment les personnes vivant avec une Trisomie-21 pour savoir qu’une telle action peut provoquer des effets dévastateurs sur le plan psychologique (repli sur soi, perte de confiance, profonde tristesse, craintes à l’égard des intervenants, etc.). Si les intervenants de tels centres ne sont pas en mesure de décoder le comportement non verbal des personnes porteuses d'une Trisomie-21 (en ce cas, le désir irrépressible de voir ses parents), n’est-il pas inquiétant pour les parents d'aujourd'hui de savoir qu'un jour ils confieront leur enfant à des gens insuffisamment formés et préparés dans les centres d'hébergement administrés par l'État?
 
Et comment qualifier le programme de « dépistage prénatal » qu’on applique dans les hôpitaux et les centres de maternité au Québec? Le gouvernement n’envoie-t-il pas dans la population le message que « mieux vaut ne pas vivre du tout que de vivre avec une Trisomie-21 »? Ne laisse‑t‑il pas entendre que le seul destin envisageable pour un embryon qui possède ce fameux gène est purement et simplement sa suppression? En proposant en 1988 une politique portant sur l’euthanasie passive des enfants atteints du syndrome de Down, le Comité de la protection de la jeunesse du ministère de la Justice ouvrait la porte bien grande à cette triste réalité…
 
Sylvain Fortin, un Québécois profondément engagé à ériger une société plus tolérante et plus ouverte pour tous ses citoyens
 
Parmi ce qu’il y a de plus remarquable et de plus exemplaire dans le travail accompli par Sylvain Fortin auprès des personnes vulnérables au cours des 40 dernières années, mentionnons la profondeur de son engagement – un engagement qui tire sa source dans ses valeurs personnelles d’humanisme, de générosité, de don de soi et d’abnégation; mais aussi la persévérance qu’il a mise à lui donner corps à travers des gestes concrets et rassembleurs, sans jamais baisser les bras.
 
Nous aimerions revenir sur des points que nous estimons particulièrement représentatifs de Sylvain Fortin :     
 
  • La valeur et le mérite de monsieur Sylvain Fortin pour défendre et promouvoir les droits et faire connaître la cause de personnes vulnérables, en particulier celles vivant avec une Trisomie-21, remonte à près de 40 ans, car il s’est investi socialement dès l’âge de 16 ans et n’a jamais cessé depuis;
 
  • Le dynamisme et le sens de l’organisation dont il a fait preuve en créant la Société québécoise de la Trisomie-21 il y a plus de 17 ans, ce qui témoigne non seulement de son engagement personnel, mais aussi de sa détermination à accomplir des gestes qui vont améliorer concrètement la vie des personnes vivant avec la Trisomie-21;
 
  • Sylvain Fortin ne fait pas dans la demi-mesure : la barre n’est jamais assez haute quand il s’agit de hausser les normes et de modifier nos comportements envers les personnes vulnérables. Son dévouement inégalé à représenter les Québécois vivant avec une Trisomie-21, à faire respecter leurs droits, à répondre à leurs besoins et à leur apporter de l’aide, même lorsqu’il lui faut puiser dans ses propres économies, est une source d’inspiration pour tous ceux et celles qui ont le bonheur de le côtoyer et de travailler à ses côtés;
 
  • Il a toujours conservé une approche globalisante en associant étroitement les milieux familial et social qui gravitent autour des personnes vivant avec une Trisomie-21, dans le but de renforcer le rôle parental des premiers et de stimuler l’efficacité des soins donnés par les seconds;
 
  • S’il est peu connu du grand public, Sylvain Fortin a néanmoins vu son rôle de pionnier et de défenseur des personnes vulnérables reconnu par les gouvernements. Il a reçu plusieurs distinctions honorifiques parmi les plus prestigieuses, dont le Prix du Gouverneur général du Canada pour l’entraide (2014), la Médaille du Lieutenant-gouverneur du Québec pour mérite exceptionnel (2016), la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec (2016) et un prix Hommage pour les 40 ans de la Charte des droits et libertés de la personne (2015). Sylvain Fortin ne tire pas orgueil de ces distinctions, elles sont pour lui l’occasion de mieux faire connaître et avancer des causes importantes pour l’ensemble de la société;
 
  • Par ses nombreuses réalisations, monsieur Sylvain Fortin a réussi à promouvoir de maintes façons la cause des personnes vivant avec une Trisomie-21. En multipliant les projets rassembleurs sur le territoire québécois et en obtenant la présence des médias, il a contribué à donner une visibilité qui manquait à ces personnes, brisant leur anonymat et leur isolement. En leur redonnant la place qui leur revient dans la société, en incitant la population à les traiter avec respect et dignité, il a fait la preuve qu’il était possible de vaincre les préjugés, la peur et l'ignorance;
 
  • Depuis son adolescence, Sylvain Fortin lance un appel à la réflexion, à l’ouverture et à la solidarité sociale afin que la communauté québécoise soit plus ouverte, plus solidaire, plus empathique. Il croit fermement que cette prise de conscience, si elle est suivie par des gestes concrets, peut contribuer à rendre le Québec meilleur et plus grand aux yeux du monde;
 
  • Monsieur Sylvain Fortin poursuit maintenant son implication pour les personnes qui vivent avec une Trisomie-21 et leurs proches par l'entremise de la Maison Anne et Charles de Gaulle dont la raison d’être gravite autour des enjeux pointus qui les concerne.
 
Nous avons vu Sylvain Fortin faire face à l’adversité en rassemblant ses forces pour faire œuvre utile pour tous ses concitoyens. Nous l'avons vu pleurer des personnes qui risquaient de disparaître dans l'indifférence générale. Sylvain Fortin est un Québécois courageux et exemplaire qui a voué sa vie et ses talents à la solidarité sociale et à la dignité des personnes vulnérables qui vivent parmi nous. Il a droit à toute notre admiration.
 
 

Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide


Sylvain Fortin et le Gouverneur général du Canada son Excellence le très honorable David Johnston, le 14 avril 2015, à Rideau Hall.

Source : Cplc Vincent Carbonneau, Rideau Hall © Sa Majesté la Reine du Chef du Canada représentée par le Bureau du secrétaire du gouverneur général, 2015.

 

Médaille du Lieutenant-gouverneur du Québec pour mérite exceptionnel


Le Lieutenant-gouverneur du Québec, son Honneur J. Michel Doyon et Sylvain Fortin, le 28 mai 2016, à Montréal.